Des villageois qui s’endettent pour l’école
Mékong Plus vise à éliminer la pauvreté, et l’un de ses leviers privilégiés est l’aide à l’éducation : l’accès à l’école comme la qualité de l’éducation. La majorité des plus pauvres vivent dans des campagnes reculées, et c’est là que travaille Mékong Plus, particulièrement au Vietnam.
Ce projet se déroule dans la province de Haü Giang, District de Phung Hiêp, au sein de 25 écoles – maternelles, primaires, collèges et lycées – du district. Il s’agit d’un des districts les plus pauvres du Delta du Mékong, qui compte plus de 210.000 habitants et est totalement dépendant de l’agriculture et de la pêche. 16% des paysans sont sans terre, vivent d’un peu de pêche et d’emplois journaliers 10 jours par mois seulement. Environ 15% des personnes de cette région vivent sous le seuil de la pauvreté absolue, 50 centimes d’euro par jour…
Selon les mots d’un directeur d’école : « c’est très nécessaire d’améliorer la qualité de l’éducation à l’école, des bibliothèques etc. mais il n’y d’impact que si les enfants ont accès à l’école ». Or l’éducation est extrêmement coûteuse.
En maternelle – obligatoire au Vietnam – il faut compter l’équivalent de plus d’une année du budget annuel par personne : environ 300 euros par enfant et par an ; pourtant dans les familles pauvres visées par Mékong Plus – qui représentent 10% de la population locale – le budget par personne n’est que de 15 euros par mois – pour se nourrir, s’habiller, se loger… En conséquence les ménages pauvres ne peuvent inscrire leur enfant qu’en dernière année de maternelle, pour que l’accès au primaire ne leur soit pas refusé. Seul moyen pour y parvenir : le ménage s’endette et demande une réduction des frais.
Au primaire, le coût par enfant est de 20 euros par an.
Au collège le coût reste du même ordre, cependant beaucoup d’enfants sont contraints de prendre des cours supplémentaires qui coûtent 3 euros par mois et par matière. Ceci représente 15% du budget familial pour un seul enfant.
Au lycée, les coûts explosent : à cause de la distance de parfois plusieurs dizaines de km, il faut un moyen de transport ou louer une chambre. Les cours supplémentaires sont indispensables. Le coût est alors de plus de 50 euros par mois, ce qui explique que beaucoup d’enfants vietnamiens – près de 25 % – n’y ont pas accès. Ces 50 euros représentent 100% du budget familial, pour un seul enfant. De nouveau le ménage doit s’endetter.
La mobilisation d’une communauté
Mékong Plus offre des bourses scolaires de 20 euros à des lycéens choisis parmi les enfants les plus pauvres qui risquent d’arrêter l’école. Les résultats scolaires ne sont pas un critère important mais les parents doivent s’engager à laisser l’enfant poursuivre l’école. L’octroi des bourses est conditionné à une forte participation communautaire, via la course/marche de la solidarité : ainsi chaque année plus de 125.000 personnes participent et les dons des villageois se montent à environ 37.000 euros.
Avec le Covid et le confinement strict imposé depuis juillet 2021, tout a été bouleversé : les enfants sont contraints d’étudier en ligne; or 80% d’entre eux n’ont pas de smartphone. Mékong Plus propose des microcrédits de 100 euros pour l’achat d’un smartphone d’occasion, remboursés sur 10 mois (Il faut se souvenir que le crédit dans de nombreux pays est inaccessible aux pauvres sinon à des taux usuraires). L’ONG a étudié et sélectionné des logiciels pédagogiques adaptés au smartphone – notamment https://sieutrinhohocduong.com/NamPhutThuocBai – et des logiciels permettant aux parents de contrôler le temps passé en ligne et de limiter les sites accessibles, pour éviter les dérives d’utilisation. Elle espère ainsi que les cours supplémentaires, très coûteux, deviendront moins nécessaires.
Mékong Plus accompagne dans la réalisation de ce projet son partenaire local Anh Duong « Rayon de Soleil » qui exécute le projet sur le terrain pour les bénéficiaires directs, et gère également tous les aspects de mise en réseau et d’aide aux autorités, aux écoles et aux familles.
Grâce à ce projet, ce sont 150 enfants entre 6 et 18 ans issus des familles extrêmement pauvres qui reçoivent une bourse scolaire, des livres scolaires ou un microcrédit pour un smartphone reconditionné permettant le maintien de leur scolarité à l’école ou à la maison. Parmi ces bénéficiaires, au moins 50 % sont des filles.